Immunothérapie : une nouvelle arme deux-en-un contre les tumeurs résistantes
Appuyer sur l’accélérateur et lever le frein, en même temps, c’est l’idée innovante du Dr Nicolas Manel, chercheur Inserm et chef d’équipe à l’Institut Curie (unité Immunité et cancer – Institut Curie, Inserm) pour améliorer la réponse aux immunothérapies. Depuis plusieurs années, les chercheurs ont identifié une voie de signalisation – STING – indispensable accélérateur de la réponse aux immunothérapies. Aujourd’hui, l’équipe franchit une nouvelle étape en identifiant un nouveau médicament biologique capable d’activer STING spécifiquement dans les cellules clefs du système immunitaire. Ces travaux, publiés dans la revue Science Immunology le 13 janvier 2023, ouvrent la voie à des perspectives thérapeutiques prometteuses pour développer de nouvelles stratégies et augmenter l’efficacité des immunothérapies contre le cancer.
L’immunothérapie est une stratégie anticancéreuse qui fait beaucoup parler d’elle depuis une quinzaine d’années. Chez les patients réceptifs, elle donne des résultats spectaculaires, mais 50 à 80 % des malades ne répondent pas à ces traitements. A l’Institut Curie, l’équipe Immunité Innée du Dr Nicolas Manel, directeur de recherche Inserm, vient de développer une stratégie innovante qui pourrait bien changer la donne pour ces patients.
Le chercheur utilise la métaphore mécanique pour expliquer le fonctionnement des immunothérapies actuelles dites anti-checkpoint [inhibiteurs de point de contrôle] : « Ces thérapies lèvent « le frein » du système immunitaire pour qu’il reconnaisse les cellules cancéreuses du patient comme des cellules à détruire (sans ces inhibiteurs, le système immunitaire ne peut attaquer les cellules cancéreuses). Mais ils fonctionnent uniquement s’il y a un « accélérateur naturel » pour que le système immunitaire attaque ces cellules. Cet accélérateur est lié à une voie biochimique appelée STING et il est manquant chez 50 à 80% des patients. »
Bien comprendre les mécanismes fondamentaux
C’est il y a environ cinq ans que les chercheurs ont compris le rôle d’accélérateur de STING. Des laboratoires pharmaceutiques ont immédiatement développé de petites molécules pour activer STING. Probants in vitro, leurs résultats se sont révélés décevants en clinique.
A l’Institut Curie, le Dr Nicolas Manel et son équipe sont revenus aux fondamentaux pour décrypter toute la cascade d’évènements en jeu : « Ce que révèle notre étude, c’est qu’il faut activer STING sélectivement dans certaines cellules, les cellules dendritiques, pour avoir un effet accélérateur, alors qu’activer STING dans d’autres cellules peut détruire la réponse immunitaire. » Les chercheurs ont utilisé des particules pseudovirales (qui ressemblent à des virus mais sont non infectieuses) car celles-ci sont efficacement capturées par les cellules dendritiques. Ils ont ensuite placé, à l’intérieur de ces particules, la molécule naturelle qui active STING, appelée cGAMP. Le médicament ainsi obtenu, nommé cGAMP-VLP, active STING préférentiellement dans les cellules dendritiques, sans impacter négativement les autres cellules du système immunitaire. Ces cellules dendritiques activées ont ainsi éduqué des lymphocytes pour qu’ils reconnaissent les antigènes de la tumeur. Les chercheurs ont ainsi identifié un produit thérapeutique, tant recherché, capable d’activer l’accélérateur !
« Testée dans différents systèmes (in vitro, chez l’animal et sur des échantillons de tumeurs humaines), cette stratégie a montré un effet antitumoral fort, même à faible dose. Combinée à une immunothérapie anti-checkpoint, elle est encore plus efficace, » se réjouit le chercheur. Pour lui, il est donc temps de proposer cette nouvelle arme thérapeutique aux patients. C’est l’objectif de Stimunity, la société de biotechnologie dont il est co-fondateur, qui, avec la levée de fonds en cours, pourrait lancer le développement clinique de cette immunothérapie innovante.
Si ces résultats se confirmaient chez l’humain, il serait possible de s’attaquer à des cancers jusqu’ici résistants à tous les traitements connus, et ce, sans chimiothérapie ni radiothérapie.
Contacts presse :
Elsa Champion – elsa.champion@curie.fr / 07 64 43 09 28
Juliette Mamelonet-Régnier – juliette.mamelonet@havas.com / 06 60 82 10 17
L’Institut Curie, 1er centre français de lutte contre le cancer, associe un centre de recherche de renommée internationale et un ensemble hospitalier de pointe qui prend en charge tous les cancers y compris les plus rares. Fondé en 1909 par Marie Curie, l’Institut Curie rassemble sur 3 sites (Paris, Saint-Cloud et Orsay) 3 700 chercheurs, médecins et soignants autour de ses 3 missions : soins, recherche et enseignement. Fondation reconnue d’utilité publique habilitée à recevoir des dons et des legs, l’Institut Curie peut, grâce au soutien de ses donateurs, accélérer les découvertes et ainsi améliorer les traitements et la qualité de vie des malades. Pour en savoir plus : curie.fr